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Utilisez ce modèle pour commencer une page vierge Vidéosurveillance : l'oeil était dans la ville
Aline Chambras
Les caméras de surveillance se multiplient dans les centres urbains. La Coordination régionale contre la vidéosurveillance en Île-de-France veut sensibiliser le citoyen à cette technologie de la défiance.
« Une nouvelle société "inhumanisée", glaciale, aseptisée, se profile. » C'est par ces mots en forme de coup de poing que naissait, en juin 2004, la Coordination régionale contre la vidéosurveillance en Île-de-France. Regroupant, notamment, les associations Démocratie et citoyenneté locale (Décil) de Mantes-la-Jolie, Souriez vous êtes filmés (SVEF) de Paris et le collectif Espace public libre de Saint-Germain-en-Laye, cette coordination lutte contre la multiplication des caméras dans les espaces publics des villes.
« À chaque gros fait divers, les mairies en demandent. Le but otre coordination est de dépasser les cas de résistance isolée et de provoquer un débat de société », explique Jean-Pierre Petit, membre de SVEF. En mettant en commun les expériences et les moyens, en particulier juridiques, d'opposition à la vidéosurveillance, la coordination espère faire plier les mairies de plus en plus nombreuses à se laisser séduire par ce genre de technologie. « C'est une question d'endurance », soupire Jean-Pierre Petit, conscient de la difficulté de la tâche.
En 1995, la vidéosurveillance dans l'espace public est entérinée par la loi. Les caméras, alors réservées aux banques et aux magasins de luxe, se braquent sur les centres-villes. Leur utilisation, symbole du tout-sécuritaire, se banalise. Deux mois après sa création, en 1997, la Commission parisienne des systèmes de vidéosurveillance (1) avait déjà plus de 3 500 dossiers à traiter. Aujourd'hui, en France, sur un million de caméras, on en compte près de 150 000 dans 185 centres urbains, selon les chiffres avancés par la coordination. En région parisienne, les villes sont de plus en plus nombreuses à intégrer ce type d'équipement : 100 caméras à Levallois-Perret, ville pionnière en la matière, 80 à Puteaux, 22 à Montargis, 8 à Percy-sur-Oise, etc., et les demandes augmentent.
Le chiffre d'affaires du secteur est proportionnel à l'engouement : selon le cabinet d'études IMS Research, le marché français de la vidéosurveillance rapportait 65,9 millions d'euros en 2002. À Mantes-la-Jolie (92), le 13 décembre 2003, François Copé, tête de liste UMP aux régionales, avouait être conquis : « On va mettre le paquet sur la vidéosurveillance dans les halls, les rues commerçantes, autour des gares. Je m'engage à financer ces installations partout où les maires le demanderont. » (2) Quelques jours plus tard, la mairie de Mantes-la-Jolie annonçait la mise en place d'une vingtaine de caméras pour un coût de 600 000 euros.
Aujourd'hui, les travaux sont en cours : « C'est un peu pour faire comme tout le monde, répond franchement Bernard Moscodier, adjoint au maire chargé des questions de sécurité, Mantes était en retard par rapport à d'autres villes. » Conscient des limites d'un tel système, l'adjoint estime que les caméras serviront surtout « à donner un sentiment de sécurité ». Pour Jean-Pierre Petit, il y a bien un effet de mode : « Les caméras représentent une plus-value pour les municipalités, ça fait ville moderne ! », s'énerve-t-il. Pourtant, en 1989, quand les Berlinois découvraient la salle de contrôle et le système de vidéosurveillance de la Stasi (police secrète de l'ex-RDA) déployé dans toute la ville, tous s'accordaient à demander une mise hors service rapide du système... Aujourd'hui, « tout le monde en redemande, sans se soucier de ce que va donner cette société sous tension permanente », s'inquiète Jean-Pierre Petit.
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(1) Dans chaque département, une commission des systèmes de vidéosurveillance, chargée d'étudier tous les dossiers d'installation et de rendre un avis consultatif au préfet, a été instituée en vertu du décret d'application du 17 octobre 1996 de la loi du 21 janvier 1995.
(2) Cité dans le Courrier de Mantes du 17 décembre 2003.
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